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May 19, 2025
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Simulation : la théorie juridique en Belgique

Notions

La simulation est, en Belgique, le mécanisme juridique par lequel les parties concluent un contrat apparent, l’acte ostensible, tandis que, par un contrat caché, la contre-lettre, elles modifient ou anéantissent le contrat apparent. - article 5.39 du code civil. 

Par exemple : un père a deux filles. Il ne s’entend pourtant bien qu’avec l’une d’elles seulement. En effet, l’autre ne montre que du mépris à son égard. Il décide de faire une donation immobilière à la première mais ne veut pas que la seconde soit jalouse. Il conclut donc un contrat de vente apparent avec sa fille n°1 tout en détruisant directement les effets de celui-ci dans une contre lettre consistant en une donation. De cette manière sa fille n°2 ne sera pas jalouse.

Champ d’application de la simulation

Pour commencer, la simulation nécessite deux conventions contemporaines l’une de l’autre. L’une est apparente (l’acte ostensible) et l’autre est secrète (la contre-lettre). Celles-ci doivent impérativement être concluent au même moment. Il s’agit d’une condition d’application des règles relatives à la simulation.

Ensuite, il faut l’intention de détruire totalement ou partiellement les effets de la convention apparente en exprimant la volonté réelle de ces parties (voir ci-dessous les degrés de la simulation).

Situations se situant hors-champ d’application

Dans certaines situations on serait tentés de conclure que l’on se trouve dans une simulation juridique. Il faut pourtant bien distinguer ces situations qui sortent du champ d’application de celle-ci.

Qualification inexacte

En effet, il n’y a pas de simulation quand les parties ont donné une qualification inexacte à leur convention. Les parties se sont alors simplement trompées et n’ont pas l’intention de dissimuler tout ou une partie de leur convention.

Convention ultérieure

Lorsque celles-ci concluent une seconde convention ultérieure, par laquelle elles modifient certains éléments de la première, il n’y a pas simulation. Cependant, il en est autrement si l’opération est secrète. 

Interprétation de leur convention

De plus, il n’y a pas de simulation lorsque les parties déclarent interpréter leur convention. Il arrive parfois que les termes ne soient pas clairs et que les parties décident d’éclaircir tel ou tel point afin de prévenir un litige ultérieur.

Acte unilatéral

Il peut également s’agir d’un acte unilatéral auquel cas la théorie ne s'applique pas. Par exemple, un engagement par déclaration unilatérale de volonté sort du champ d’application des contrats et par conséquent, de la simulation également.

Pas de dissimulation

Si l’existence de la seconde convention n’est pas dissimulée, l’une des deux conditions n’est pas remplie. Dès lors, l’élection de command n’est, par exemple, pas une simulation.  

Une vente avec déclaration de command a lieu lorsque l'acquéreur apparent (le commandé) se réserve la possibilité de nommer quelqu'un d'autre comme acquéreur réel (le command), selon notaire.be. Une telle opération peut être rencontrée tant dans l’hypothèse d’une vente publique que dans l’hypothèse d’une vente de gré à gré.

Les degrés de la simulation

Il existe différents degrés de simulation en fonction de ce qu’auront prévu les parties dans leur contre-lettre et de la volonté de celles-ci.

L’acte totalement fictif

L’acte totalement fictif désigne la volonté qu’ont les parties, de détruire totalement les effets de l’acte ostensible. Il peut s’agir par exemple, d’une vente pour laquelle les parties décident qu’elle n’aura aucun effet.

L’acte déguisé

Ce type d’acte de subdivise encore en deux sous-catégories : les actes déguisés en totalité et ceux qui ne le sont que partiellement. 

Le premier désigne la situation par laquelle les parties souhaitent modifier la nature même de l’acte ostensible. Il peut donc s’agit d’une vente camouflant une donation. Le contrat n'a donc plus la même nature.

Le second concerne la situation dans laquelle le déguisement porte seulement sur certains aspects de l’acte. Ces aspects peuvent recouvrir la date ou le prix notamment. Par exemple, si les parties décident de camoufler le prix d’une vente immobilière pour éviter le paiement des droits d’enregistrements proportionnels. Nous verrons par la suite que cette situation donne lieu à une simulation illicite. Le droit belge interdit un tel procédé.

L’interposition de personnes

L’interposition de personnes est la simulation qui porte sur l’identité d’une ou plusieurs parties au contrat. Par exemple, si une libéralité est faite à tel bénéficiaire alors que le bénéficiaire réel est une autre personne frappée d’une incapacité de recevoir, tel un médecin. - article 4.134.

Les effets de la simulation

Il faut distinguer les effets de la simulation entre les parties d’une part, et entre les parties et les tiers d’autre part.

Entre les parties

Conformément aux règles d’interprétation des contrats en Belgique, c'est la volonté réelle qui prime sur la volonté déclarée. La contre-lettre, en tant que reflet de la vérité, prime donc sur l’acte ostensible. Par conséquent, si une partie conteste l’existence ou une modalité du contrat, le juge devra donner raison à la partie qui se prévaut de la contre-lettre.

Rappelons par la même occasion qu'une partie peut toujours engager la responsabilité contractuelle de l'autre si celle-ci ne respecte pas ses engagements et ce, même dans le cadre d'une simulation.

Envers les tiers 

Concernant les effets de la simulation envers les tiers, il y a dérogation au principe de l’effet externe des contrats. Ce principe, qui énonce que le contrat n’oblige que les parties au contrat, découle d’un autre principe, celui de la relativité des effets internes des conventions. 

Il signifie donc qu’en règle, le contrat ne procure aucun droit né de celui-ci envers les tiers. Mais il peut cependant être considéré comme un fait par les tiers dans une contestation. C’est l’article 5.103 du code civil qui traite de ces deux principes contractuels fondamentaux.

Mais pourquoi est-ce une dérogation ? Car les parties disposent d’une action leur permettant de se prévaloir de l’acte ostensible ou de la contre-lettre en fonction de leurs intérêts. Celle-ci est appelée « action en déclaration de simulation » en vertu de l’article 5.39, al.3. Elle permet aux tiers de se prévaloir de l’acte qui arrange le plus leurs intérêts, entre l’acte ostensible et la contre-lettre. S’ils choisissent l’un plutôt que l’autre, l’acte non-choisi est inopposable à ceux-ci qui peuvent alors agir comme s’il n’avait jamais existé. 

L'on requiert cependant une condition pour intenter cette action : la bonne foi du tiers. Il doit avoir ignoré l’existence de la simulation au moment où il a accompli son propre acte. Rappelons qu’en droit civil, on présume en principe la bonne foi conformément à l’article 3.22.

La licéité de la simulation

En Belgique, la simulation est en principe licite. Elle devient cependant illicite si la loi l’interdit dans telle ou telle situation ou si les mobiles d’au moins une partie sont illicites (cause illicite). Les mobiles renvoient à la cause subjective de tout contrat. Il s’agit des mobiles qui ont animés telle ou telle partie à conclure le contrat.

Que faire alors lorsque la cause est illicite ? Seul l’acte illicite est déclaré nul ! C’est la nullité absolue qui sanctionne l’acte contraire à l’ordre public ou aux bonnes mœurs. Par exemple, le fait de dissimuler le prix réel d’un immeuble lors d’une vente et convenir d’un prix supérieur dans la contre-lettre dans le but d’éviter le paiement des droits d’enregistrement proportionnels au prix. Dans ce cas, l’acte ostensible est donc déclaré nul pour cause illicite. C’est l’arrêt de la cour de Cassation du 18 mars 1988 qui a consacré cette dissociation de traitement entre les deux actes pour cause illicite. 

Le vice affectant l’acte apparent

Cette hypothèse concerne la situation dans laquelle l’acte est affecté d’un vice de consentement ou d’un autre vice (autre que la cause illicite). Il peut donc s’agir de l’erreur substantielle, du dol, de la lésion, d’un objet impossible ou illicite, etc.

La doctrine retient que l‘on doit pouvoir, dans ce cas, se prévaloir du droit commun permettant de demander la nullité de celui-ci, pour autant que ça ne vise pas à faire valoir la contre-lettre.

Distinction entre l’action en déclaration de simulation, l’action paulienne et l’action oblique

En raison des mécanismes complexes dont il est question ici, l’on pourrait facilement confondre ces différentes institutions de droit civil. C’est pourquoi, il est nécessaire d’opérer une distinction entre elles.

Définitions

L’action paulienne est définie par l’article 5.243 du code civil comme étant l’action par laquelle un créancier peut attaquer en son nom personnel les actes juridiques du débiteur accomplis en méconnaissance frauduleuse de ses droits, de recours, à la condition que sa créance soit née avant l’acte juridique attaqué.

Ensuite, l’action oblique permet quant à elle, au créancier qui est titulaire d’une créance certaine et exigible envers un débiteur inactif (qui ne paie pas), d’exercer tous les droits et actions du débiteur, au nom et pour le compte de celui-ci, à l’exception de ceux qui sont exclusivement attachés à la personne. Ceci conformément à l'article 5.242 du code civil.

Distinctions

L’action en déclaration de simulation concerne la constatation qu’un acte apparent invoqué par une partie est en réalité simulé. Ceci, que ce soit totalement ou partiellement.

L’action paulienne permet l’inopposabilité d’un acte frauduleux.

Enfin, l’action oblique permet la mise en œuvre d’un droit ou d’une action appartenant à un débiteur inactif, au nom et pour le compte de ce débiteur.

Les trois actions recouvrent donc un champ d’application bien différent.

Distinction entre la simulation et la théorie de l’apparence

La théorie de l’apparence a pour conséquences de générer des droits et des obligations dans le chef d’une personne qui a, par son comportement, fait naître dans le chef d’un tiers, la croyance légitime en une situation apparente.

Par exemple : X fait croire ou laisse croire à une autre personne, Y, qu’elle dispose du pouvoir d’agir au nom et pour le compte de X. Les actes juridiques qui auront été posés par Y au nom de X qui n’avait pourtant pas donné mandat à Y, lieront tout de même X aux tiers avec qui Y a eu affaire.

Cette théorie se distingue de celle de la simulation pour plusieurs raisons. Premièrement, un élément intentionnel est requis pour les parties dans la simulation, qui ne l’est pas pour l’autre. De plus, deux conventions contemporaines sont requises contrairement à la théorie de l’apparence. Enfin, la simulation ne requiert pas, quant à elle, d’erreur légitime dans le chef d’une des parties.

La preuve de la simulation

Entre les parties

On applique les règles de la preuve réglementée conformément à l’article 8.9 du code civil. C’est-à-dire que si l’acte porte sur une somme supérieure à 3500€, la preuve doit être amenée par un écrit signé. En dessous de ce seuil et en matière commerciale, la preuve est libre. Elle peut donc être amenée par toutes voies de droit. 

Entre les parties et les tiers 

La preuve réglementée ne s‘applique pas car les tiers sont dans l‘incapacité de se procurer un écrit. On applique donc la preuve libre.

La prescription de l’action en déclaration de simulation

L’action en déclaration de simulation est imprescriptible en droit belge, qu’elle soit intentée par une partie ou par un tiers.

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