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May 19, 2025
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La caducité du contrat en Belgique

Notions et définition

La caducité est le mode de dissolution des contrats, sans rétroactivité, par lequel le contrat cesse d’exister en raison de la perte de son objet ou de sa cause.

Par exemple : la promesse de vente devient caduque si la maison sur laquelle elle porte est victime d’un incendie.

Comme énoncé dans la définition reprise ci-dessus, la caducité suppose la perte de l’objet ou de la cause du contrat. Ceux-ci étant deux des quatre éléments constitutifs essentiels des contrats ils ne peuvent en règle, survivre à la disparition d’un de ces composants. Cependant, bien que la disparition de l’objet du contrat donne toujours lieu à la caducité de ce dernier, il n’en est pas de même pour la cause comme nous le verrons ci-dessous.

La caducité en droit français versus la caducité en droit belge

La France admet de longue date que la disparition de tout élément constitutif essentiel du contrat, donne lieu à la caducité de celui-ci. Cette solution est loin d’être la même en droit belge puisque seule la caducité par perte de l’objet et de la cause-objective peut donner lieu à ce mode de dissolution.

Par exemple : en France, le contrat par lequel le créancier n’aurait plus d’intérêt à en voir l’exécution pourrait théoriquement donner lieu à la caducité du contrat. La cause mobiles-déterminants ne peut par contre pas permettre la caducité en cas de disparition en Belgique.

La caducité par perte de l’objet

L’objet du contrat

L’objet est l’un des éléments constitutifs essentiels du contrat et constitue les obligations ou les effets de droit que visent les parties. C’est en effet ce qui ressort de l’article 5.46 du nouveau code civil.

Per exemple : l’objet d’un contrat de vente est constitué du transfert de propriété du bien vendu ainsi que du prix payé au vendeur. C’est en effet ce sur quoi porte le contrat de vente.

Si l’objet du contrat disparait

En cas de disparition de l’objet après la formation du contrat, la Cour de cassation admet dans son arrêt du 28 novembre 1980, la caducité du contrat. C’est-à-dire que le contrat prend fin pour l’avenir et sans rétroactivité.

La caducité peut être partielle

Cependant, la perte de l’objet n’implique pas nécessairement la caducité du contrat. Il se peut que seule une des obligations du contrat soit atteinte de caducité sans que cette dernière ne s’étende à tout le contrat. Autrement dit, le contrat peut survivre à la disparition de l’une de ses obligations. Il faudra alors tenir compte du caractère divisible ou indivisible du contrat. Si la partie du contrat qui reste possible à exécuter est encore utile pour les parties, le contrat ne sera pas frappé de caducité.

Par exemple : si le bien faisant l’objet d’une vente disparait, le contrat serait frappé de caducité car il ne présenterait plus d’utilité pour les parties. Par contre, si un contrat de bail porte sur un entrepôt qui prend feu à moitié, les parties peuvent tout de même accepter de maintenir le contrat moyennant une réduction proportionnelle du loyer.

La caducité par perte de la cause

La cause du contrat

En droit des obligations, la cause recouvre historiquement une notion ambivalente. En effet, la cause du contrat a d’abord été considérée comme résidant dans l’exécution des obligations de l’autre partie.

Par exemple : on considérait que la cause du contrat de vente était double et que pour le vendeur, il s’agissait de recevoir le prix. Pour l’acheteur, il s’agissait de recevoir la chose vendue.

Cette cause-objective comme on l’appelle, a laissé place à une autre vision qui est par ailleurs dorénavant consacrée dans le code civil par l’article 5.53. En effet, la cause-objective se confondait avec l’objet du contrat qui correspondait également aux obligations que l’autre partie doit exécuter. On comprend donc mieux pourquoi la notion de cause mobiles-déterminants est née.

La cause mobiles-déterminants s’entend des mobiles qui ont déterminé chaque partie à conclure le contrat, dès lors qu'ils sont connus ou auraient dû l’être de l’autre partie.

Par exemple : la cause du contrat de vente réside désormais dans la raison pour laquelle l’acheteur a souhaité acheté le bien faisant l’objet de la vente. Il en est de même de la raison pour laquelle le vendeur a souhaité vendre. L’acheteur a peut-être souhaité acheter pour faire un cadeau alors que le vendeur voulait simplement se rémunérer.

Si la cause-objective disparait

La cause-objective étant désormais assimilée à l’objet du contrat, sa disparition donne évidemment lieu à la caducité. Il faut donc s’en référer à ce qui a été développé ci-dessus à ce sujet.

Si la cause mobiles-déterminants disparait

Il est unanimement admis que la cause mobiles-déterminants ne donne pas lieu à la caducité du contrat.

Dès lors, pour reprendre notre exemple ci-dessus, si l’acheteur ne souhaite plus faire de cadeau à son compagnon car ce dernier l’a quitté après la formation du contrat de vente, il ne peut y avoir caducité.

Plusieurs exceptions sont toutefois à admettre :

- Si les parties l’ont expressément prévu dans leur contrat. Il faut dans ce cas admettre que le principe d’autonomie des volontés l’emporte.

- Si la situation engendre un abus de droit dans le chef de la partie qui demande l’exécution forcée d’une obligation qui a perdu sa raison d’être.

L’abus de droit est désormais prévu légalement aux articles 1.10 et 5.73 du code civil et il peut être admis qu’une personne qui abuse d’un droit contractuel, puisse donner lieu à la réduction de son droit dans les limites raisonnables de celui-ci. Dès lors :

Si un couple commande de la nourriture à un traiteur pour son mariage et que le couple se sépare deux mois avant celui-ci, le traiteur pourrait éventuellement se voir refuser l’exécution contractuelle du paiement du prix. En effet, on pourrait estimer qu’il n’a pas encore pu mobiliser les moyens nécessaires pour l’exécution de la préparation et de la livraison de nourriture. Il s’agirait sans doute d’un abus de droit de demander l’exécution de ce contrat.

- S’il s’agit d’une libéralité (donation).


La Cour de cassation a admis dans un arrêt du 16 novembre 1989 qu’une libéralité pouvait être frappée de caducité en raison de la perte de la cause mobiles-déterminants, dans certains cas uniquement.  

- S’il s’agit d’un leg testamentaire.

C’est la solution que l’on retrouve à l’article 4.219 du code civil.

Les effets de la caducité

Premièrement, la caducité met fin au contrat de plein droit. C’est-à-dire qu’il ne faut pas qu’un juge la prononce pour qu’elle produise ses effets.

De plus, bien qu’elle soit considérée par certains auteurs comme permettant une forme de rétroactivité, il est communément admis que la caducité se produise sans rétroactivité. Étant postérieure au contrat et ne supposant aucune faute des parties, le contrat frappé de caducité prend fin pour l’avenir. C’est-à-dire qu’elle ne donne pas lieu à des restitutions réciproques. Malgré cela, on peut dans certaines hypothèses accorder un certain effet rétroactif à la caducité dans un souci d’équité.

Par exemple : A conclut un contrat de vente immobilière avec B sous la condition suspensive de l’obtention d’un prêt hypothécaire par A. Ce dernier paye un acompte à B comme c’est régulièrement le cas. Cependant, A ne parvient pas malgré ses efforts, à obtenir ce prêt. Le contrat prendra fin par effet de la caducité. En règle, B ne devrait pas rendre l’acompte à A car les choses ne doivent pas être remises comme si le contrat n’avait jamais existé (dans leur pristin état). En pratique, A pourra toutefois être admis à récupérer son acompte.

Comparaison entre la caducité et d’autres institutions similaires

La résolution pour inexécution fautive

La résolution judiciaire est également un mode de dissolution des contrats par lequel une partie manque à ses obligations contractuelles. L’autre partie est donc admise à se prévaloir de cette inexécution pour demander la résolution en justice du contrat aux torts du débiteur en situation d’inexécution. L’impossibilité peut consister dans une impossibilité temporaire d’exécution ou partielle. La caducité suppose quant à elle une impossibilité définitive d’exécution, fautive ou non-fautive.

Par exemple : le preneur qui refuse de payer son loyer sans raison valable commet une inexécution contractuelle fautive. Celle-ci peut n’être que temporaire puisqu’il peut décider de reprendre le paiement des loyers. C’est donc la résolution qui s’appliquera si le manquement est suffisamment grave. Par contre, si le preneur met le feu volontairement au bien loué, il commet une inexécution contractuelle fautive mais cette fois-ci définitive. La caducité peut donc s’appliquer également.

La théorie des risques

La théorie des risques met fin au contrat synallagmatique pour lequel l’extinction par la faute majeure des obligations d’une partie entraine l’extinction des obligations de l’autre. C’est ce qui justifie la dissolution du contrat.

Bien que les deux institutions concernent une impossibilité d’exécution, la théorie des risques s’applique lorsque l’impossibilité est temporaire ou définitive. La caducité suppose une impossibilité définitive simplement.

De même, la théorie des risques et plus restreinte puisqu’elle ne concerne que les contrats synallagmatiques ce qui n’est pas le cas de la caducité. Par conséquent, pour les contrats synallagmatiques, les deux institutions peuvent se croiser ce qui n’a pas de réelle incidence en pratique.

La nullité

La nullité et la caducité sont deux institutions très différentes. En effet, la première se situe sur le terrain de la formation du contrat tandis que la seconde se situe sur celui de l’exécution des conventions. La nullité frappe donc les contrats dont un élément constitutif essentiel manque tel que le consentement, l’objet, la cause ou la capacité. La nullité sanctionne par exemple les vices de consentement.

Une fois que le contrat est valablement formé et qu’une ou plusieurs obligations sont rendues impossibles de manière définitive, la caducité peut s’appliquer.

Conclusion

En conclusion, la caducité est un mode de dissolution des contrats se situant sur le terrain de l’exécution des contrats et mettant fin à celui-ci de manière non-rétroactive pour les impossibilités contractuelles définitives.

De plus, toutes les impossibilités ne rendent pas le contrat caduc. Seules les disparitions de l’objet et de la cause objective mettent fin au contrat sur cette base. Est donc exclue la disparition de la cause mobiles-déterminants (cause subjective) comme critère sauf exceptions.

Enfin, il convient de distinguer la caducité de la résolution judiciaire, de la théorie des risques et de la nullité.

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