
Caractéristiques générales de l'usufruit
Définitions
L’usufruit est un droit réel d’usage qui « confère à son titulaire le droit temporaire à l’usage et à la jouissance, de manière prudente et raisonnable, d’un bien appartenant au nu-propriétaire, conformément à la destination de ce bien et avec l’obligation de restituer celui-ci à la fin de son droit ». Voici la définition donnée par l’article 3.138 du nouveau code civil belge.
Plus grossièrement dit, il s’agit d’un démembrement du droit de propriété par lequel le propriétaire devient « nu-propriétaire » et celui qui use de la chose l’ « usufruitier ».
Un droit réel est un droit dont le lien juridique existe entre une personne et une chose. Ils sont en nombre limité, à l'inverse des droits personnels qui existent en quantité illimitée. Les droits réels sont donc : le droit de propriété, d'usufruit, d'emphytéose, de superficie, d'usage, d'habitation, de gage et d'hypothèque.
Exemple
Il est parfois difficile de s’imaginer ce qu’est l’usufruit, c’est pourquoi je vais illustrer cette notion au travers d’un exemple relativement fréquent.
Lorsque deux personnes sont mariées en Belgique et que l’une d’entre elles décède, le conjoint survivant hérite de la totalité des biens communs en pleine propriété et des biens communs en usufruit.
Pour mieux comprendre, il faut s’imaginer que sous le régime de la communauté légale (sans contrat de mariage), il existe trois patrimoines : deux patrimoines propres et le patrimoine commun.
Le patrimoine commun est celui dont le conjoint survivant hérite en totalité. Alors que ce qui appartenait exclusivement au conjoint décédé (par exemple une succession ou un achat antérieur au mariage) revient en usufruit au survivant.
Concrètement, cela signifie que ce dernier pourra jouir de la chose jusqu’à son propre décès. Durant cette période de temps, les enfants (s’il y en a) deviennent « nu-propriétaires ». Ils ne disposent plus que de l’abusus sur la chose (voir différence entre usus, fructus et abusus).
Notre exemple est un cas d’école d’usufruit « légal », c’est-à-dire créé par la loi. Il n’est donc pas créé ni par contrat, ni par jugement.
Distinction avec le contrat de bail
Énormément de gens confondent l’usufruit avec le contrat de bail. Pourtant, il s’agit de deux institutions juridiques totalement différentes !
Le premier est un droit « réel » : c’est-à-dire qu’il s’agit d’un droit intimement lié à une chose. Le second est un droit dit « personnel » : il existe en considération première de la personne pour qui il est conclu et est la matière de prédilection des contrats.
Le contrat de bail est certes également un droit de jouissance, tout comme l’usufruit, mais ce droit de jouissance ne peut naitre que d’un contrat. L’usufruit quant à lui, peut naitre d’un contrat mais également via d’autres moyens. Il peut en effet, aussi naitre de la loi ou d’un jugement, ce qui n’est pas permis pour le bail.
De plus, au-delà de toutes ces considérations théoriques, les deux institutions répondent à des régimes juridiques différents. La durée, les modes d’extinction, les recours et bien d’autres caractéristiques différencient les deux.
Pour conclure sur les modes d’extinction, on peut notamment mentionner qu’en règle le contrat de bail ne prend pas fin par la mort du preneur (ni celle du bailleur) contrairement à l’usufruit (voir infra).
Eléments constitutifs de l'usufruit
Il ne peut y avoir d’usufruit que si le droit en cause : confère un droit de jouissance, porte sur un bien appartenant à autrui, est temporaire et permet la restitution du bien à la fin.
Objet de l'usufruit
L’usufruit peut avoir pour objet toutes sortes de biens. Ceux-ci peuvent être meuble ou immeuble, corporel ou incorporel.
S’il peut porter sur un bien incorporel, cela signifie qu’on peut grever d’usufruit un droit tel qu’un brevet par exemple.
Il existe ce qu’on appelle le « quasi-usufruit » qui porte sur des biens consomptibles. L’article 3.148 du code civil reprend en effet, cette forme spéciale d’usufruit. Pour rappel, les biens consomptibles disparaissent et sont détruites par la consommation qu’on en a. Il peut s’agir par exemple d’une pomme.
Durée de l'usufruit
Principe
L’usufruit peut être soit à durée déterminée, soit à durée indéterminée. C’est le premier alinéa de l’article 3.141 qui prévoit cette possibilité. Cependant, l’alinéa suivant apporte deux tempéraments importants.
Durée maximale
L’usufruit ne peut avoir une durée supérieure à 99 ans, à moins que la personne pour qui il est établi vit plus longtemps. La disposition précitée vise en réalité à établir une limite calquée sur le nombre d’années de vie potentielles à l’heure actuelle, sans pour autant mettre fin au droit à une personne qui vivrait plus longtemps.
Il en résulte que lorsqu’il est établi au profit d’une personne physique, ce droit reste viager. S’il est établi au profit d’une personne morale, il s’éteindra au bout de 99 ans si celui-ci a une durée indéterminée ou s’il est convenu une durée supérieure.
Durée viagère
L’article prévoit également que la mort de l’usufruitier met fin au droit d’usufruit.
Prolongation
Si l’usufruit a été constitué par contrat, il peut être prorogé sans que sa durée ne puisse être supérieure à celle de 99 ans.
Droits et obligations des parties
Disclaimer
On parle régulièrement de « droits et obligations des parties » en matière contractuelle, cependant l’expression est ici également utilisée. Il ne faut pourtant pas confondre les droits réels et les droits personnels comme vus plus tôt.
Droits de l'usufruitier
Grever ou aliéner
L’article 3.142 du code énumère successivement les droits de l’usufruitier. Celui-ci peut user de la chose, aliéner son droit d’usufruit, constituer sur celui-ci un usufruit, le mettre en gage ou l’hypothéquer, selon qu’il soit mobilier ou immobilier.
L’usufruitier peut également grever le bien de droits (comme consentir un contrat de bail).
Il faut donc considérer l’usufruit comme étant un bien du patrimoine de l’usufruitier qui peut disposer de ce bien incorporel dans les limites de cet article.
Actes de conservation ou de disposition
L’usufruitier a le droit (tout comme le nu-propriétaire) de poser des actes de conservation et d’administration provisoire.
Droit aux fruits
L’article 3.146 du code civil permet à l’usufruitier de jouir des fruits du bien durant la durée de l’usufruit. Il s’agit de tout ce qui est produit de manière périodique par le bien faisant l’objet du droit et qui ne l’épuisent pas. Il peut s’agir des loyers si un bail a été conclu, des récoltes s’il s’agit de cultures, etc.
Les produits par contre, reviennent au nu-propriétaire.
Obligations des parties
Comportement de l'usufruitier et destination du bien
L’usufruitier et le nu-propriétaire ont également des obligations. D’une part, il doit se comporter de manière prudente et raisonnable. D’autre part, il doit respecter la destination du bien. C’est-à-dire qu’il ne peut user de la chose d’une manière incompatible avec l’usage normal de ce bien ou du même type de biens.
Description des biens
L’article 3.150 impose aux deux parties de réaliser une description (c’est-à-dire un inventaire) des biens grevés. Celle-ci doit être effectuée au moment de l’ouverture de l’usufruit.
Assurances
L’usufruitier est tenu d’assurer le bien en pleine propriété pour les risques habituels et de payer les primes. S’il s’agit d’un immeuble, il doit également l’assurer contre l’incendie.
Action en justice
Le nouveau code reconnait le droit à l’usufruitier et au nu-propriétaire d’agir en justice concernant leurs droits respectifs.
Réparations d'entretien
C’est à l’usufruitier qu’il incombe d’effectuer ces réparations. Elles concernent celles qui sont nécessaires pour préserver à court terme la valeur du bien.
Grosses réparations
Celles-ci, comme catégorie résiduaire, incombent au nu-propriétaire.
Obligation de restitution
L’usufruitier a l’obligation de restituer la chose faisant l’objet de l’usufruit à la fin de celui-ci. Sans cette obligation, le droit d’usufruit serait dénaturé car la chose fait toujours l’objet du droit de propriété du nu-propriétaire.
Extinction de l'usufruit
Modes généraux d’extinction propres au livre 3 du code
L’article 3.15 reconnait cinq modes généraux d’extinction de l’usufruit. Il s’agit de :
- l’extinction du droit d’un des auteurs
- la disparition de l’objet du droit réel
- l’anéantissement du titre d’acquisition du droit réel
- l’expropriation judiciaire
- la renonciation au droit réel par son titulaire.
Modes spécifiques d’extinction propres au livre 3 du code
Il existe également quelques modes spécifiques d’extinction prévus par l’article 3.16 que sont :
- L’expiration de la durée du droit
- Le non-usage du droit pendant trente ans (prescription extinctive)
- La confusion
- La déchéance
Modes spécifiques d’extinction propres au droit d’usufruit
Les modes d’extinction généraux et spécifiques figurent dans les dispositions générales du livre 3 du code. Il existe également quatre règles spécifiques au titre relatif à l’usufruit. Il s’agit de l’ :
- Objet de restitution : à la fin de l’usufruit, l’usufruitier est tenu de restituer les biens grevés, ce qui met fin à celui-ci
- Obligation de restitution après aliénation : lorsque l’usufruitier a aliéné les biens grevés il est tenu de restituer leur valeur au moment de l’aliénation selon certaines conditions énumérées à l’article 3.159
- Accession et indemnisation : cela concerne le sort des ouvrages et plantations réalisées durant la durée de l’usufruit.
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