
Définition, origines et caractéristiques de l’emphytéose
Notion
L’emphytéose est définie en Belgique comme étant le droit réel de jouissance temporaire par l’emphytéote, consenti par le propriétaire (appelé bailleur emphytéotique, tréfoncier ou nu-propriétaire) en contrepartie d’un canon.
Le canon correspond à une somme d’argent versée annuellement au bailleur emphytéotique en reconnaissance de son droit de propriété. Il s’agit donc d’une redevance annuelle.
De plus, il est à noter que l’emphytéose ne peut porter que sur des immeubles ! Il n’est donc pas possible de constituer un droit d’emphytéose sur une caravane, un abri de jardin ou autre meuble du même type. Cependant, tant les immeubles corporels que les immeubles incorporels sont visés par ce droit. On vise par-là essentiellement les autres droits réels lorsqu’ils portent sur un immeuble tels que l’usufruit ou la superficie.
L'emphytéose dans le code civil
C’est l’article 3.167 du code civil qui a remplacé et abrogé l’article 1er de la loi du 10 janvier 1824 en rafraichissant par la même occasion cette institution. L’article énonce que « le droit d’emphytéose est un droit réel d’usage conférant un plein usage et une pleine jouissance d’un immeuble par nature ou par incorporation appartenant à autrui ».
Cette définition n’est pas substantiellement différente de celle mentionnée ci-dessus mais a pour différence principale de ne plus mentionner le terme « canon » qui a toujours existé jusqu’à l’introduction de cet article.
Des origines romaines
Ce sont les romains qui ont mis en place ce concept pour la première fois ! Tout comme beaucoup d’autres institutions de droit civil. Ils voulaient en effet, que les territoires conquis ne restent pas à l’abandon et puissent être exploités par des agriculteurs en attendant qu’on les affecte au pouvoir.
C’est de cette manière, que les fermiers eurent le droit d’exploiter les terres moyennant le paiement d’une somme dérisoire au commencement, le canon. Une faible somme en raison de la première exploitation de ces terres à un usage agricole.

Exemple pratique du droit d'emphytéose
Imaginons que Pierre hérite d’un château datant de la renaissance et du domaine familial. Le bâtiment tombe en ruine et n’est plus habité depuis des décennies. Malheureusement, le rénover lui coûterait bien trop cher.
Cependant, il contacte la commune dans laquelle se trouve le bien. Il décide de lui octroyer un droit d’emphytéose de cinquante ans en contrepartie pour elle de le rénover afin de pouvoir l’affecter à des fins touristiques et de faire connaitre le patrimoine de la commune. A la fin du délai de cinquante ans, Pierre recouvrera l’entière propriété de son bien rénové, sans dépenser un sou.
Distinction avec d'autres institutions
Le contrat de bail
Il faut se garder de confondre le droit d’emphytéose avec le contrat de bail, et ce malgré la qualification impropre de « bail emphytéotique ». Tous deux sont pourtant des droits de jouissance, puisqu’il est question de l’usage d’une chose, mais ils différent fondamentalement.
En effet, le contrat de bail fait naitre des droits (obligations) personnels entre les cocontractants. Le caractère personnel, découlant d'un contrat, signifie que ces liens de droit sont des liens entre deux (ou plusieurs) personnes qui permettent de contraindre l’autre à exécuter ses obligations.
L’emphytéose quant à elle, est un droit réel qui est intimement lié à la chose qui en fait l’objet. Ceci reste le cas quand bien même l’emphytéose naitrait d’un contrat !
Le caractère personnel ou réel d’un droit peut paraître dénué de tout sens pratique à première vue. Cependant, des différences importantes sont à énumérer : les actions en justice, la prescription, les modes d’extinction, les conditions de validités, etc. opposent les deux types de droit.
Puisque le bail et l’emphytéose ne couvrent pas les mêmes notions, la loi de 1951 sur le bail commercial ne s’applique pas au second !
Le droit d'usufruit
L’usufruit est également un droit réel d’usage, tout comme l’emphytéose. Mais ils diffèrent principalement sur l’étendue de cette jouissance. D’une part, l’usufruitier ne peut pas en principe, ériger de constructions ou de plantations de même qu’il ne peut effectuer de lourdes transformations ou réparations. S’il le fait, il devra indemniser (souvent fortement) le nu-propriétaire à la fin de son droit.
D’autre part, l’emphytéote a quant à lui des droits biens plus étendus. Il peut exploiter le fond et les bâtiments qui y sont érigés. Il peut même ériger lui-même des constructions sans demander l’accord du tréfoncier.
Le droit de superficie
Ce droit est défini comme étant un droit réel d’usage par lequel le superficiaire a des bâtiments, ouvrages ou des plantations sur un fonds appartenant à autrui, le tréfoncier. Il octroie le droit au superficiaire de construire sur le fond (tout comme l’emphytéose). Quelles différences dans ce cas ?
La première différence historique avec l’emphytéose qui nécessite le paiement d’une redevance annuelle (le canon) en reconnaissance du droit de propriété du tréfoncier, la superficie n’est pas forcément établie à titre onéreux. Cependant, depuis la dernière réforme du code civil et l’introduction du livre 3, le canon n’est plus indispensable et l’emphytéote peut en être dispensé conformément à l’article 3.167. Ceci réduit les différences entre la superficie et l’emphytéose.
Deuxièmement, la durée du droit de superficie ne peut excéder cinquante ans alors que (nous le verrons plus tard) le droit d’emphytéose doit être compris entre 27 et 99 ans. Soit presque le double pour la durée maximale.
Étendue de la jouissance par l’emphytéote
On le sait, lorsqu’on est propriétaire on dispose de l’usus, du fructus et de l’abusus. Soit, du pouvoir de jouir de la chose, d’obtenir ses fruits et de disposer de celle-ci.
Mais qu’en est-il de l’emphytéote qui est détenteur d’un droit de propriété « démembré » ? Il dispose d’un usus très étendu contrairement aux autres droits réels d’usage, l’usufruit et la superficie (voir ci-dessus). C’est par contre, le tréfoncier qui dispose de l’abusus en tant que propriétaire de la chose. Il dispose donc encore entièrement de son bien du seul fait du droit dont il est investi. Le fructus quant à lui, revient à l’emphytéote.
Durée du droit d'emphytéose
Une durée minimale et une durée maximale
Ce droit réel se distingue des autres par l’introduction d’une durée minimale, qui n’est pas requise pour les autres. Il ne peut en effet être inférieur à 27 ans. Cette durée permet d’assurer une période suffisamment longue et stable à son droit pour que l’emphytéote puisse amortir et rentabiliser les investissements qu’il fait sur le fond d’autrui. Ce droit est en effet, généralement créé à des fins commerciales.
De même, ce droit a une durée limitée dans le temps puisqu’il ne peut être inférieur à 99 ans, ce qui correspond à une durée de vie probable à l’heure actuelle.
Renouvellement et prolongation
Une distinction est à opérer entre le renouvellement et la prolongation. Le premier vise à former à nouveau un droit d’emphytéose. La seconde vise par contre, à prolonger une emphytéose en vigueur. Quelle est l’incidence de cette différence ?
Le renouvellement a pour effet que la propriété des constructions et édifices construits soit transférée au tréfoncier. En effet, c’est la conséquence que l’interruption du droit a eue sur ceux-ci. La prolongation par contre, n’a pas ce même effet.
Droits et obligations des parties
Droits et obligations du propriétaire
Simplement, le tréfoncier a principalement pour obligation de ne pas perturber la jouissance paisible du bien par l’emphytéote.
Depuis la réforme, celui-ci a également le droit d’agir contre l’emphytéote si celui-ci abuse de son droit ou détruit le bien. Certains estiment pourtant qu’il faut attendre la fin du droit pour pouvoir agir, s’agissant d’un droit réel à longue durée.
Droits et obligations de l'emphytéote
Comme déjà énoncé, l’usager du bien a le droit de jouir de la chose. Il a cependant pour obligation de payer les charges et les impositions et effectuer l’entretien et la réparation du bien.
Extinction de l'emphytéose
Si l’emphytéose a été constituée par contrat, il peut toujours y être mis fin d’un commun accord par résiliation. Cette solution résulte d’un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 1er décembre 2009. Les autres modes d’extinction propres au contrat s’y appliquent dans ce cas.
Les modes d’extinction spécifiques aux droits réels ont également vocation à s’appliquer. Il s’agit de la renonciation, la révocation, la résolution pour inexécution fautive, la confusion et la déchéance.
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