
Définition et notions de la pension alimentaire
Définition et exemple
La pension alimentaire est la somme versée périodiquement par l’un des ex-époux à l’autre après le divorce. Le débiteur de la pension alimentaire est naturellement celui ayant une situation économique plus favorable que l’autre.
Exemple classique : Au cours du mariage, Monsieur B décide de passer d’un temps plein à un temps partiel afin de s’occuper du foyer et des enfants. Il ne gagne donc que 800 euros par mois. Survient alors le divorce avec Madame A. Cette dernière perçoit un salaire mensuel de 3.000 euros.
En cours d’instance, le juge octroie une pension alimentaire d’un montant de 300 euros par mois à Monsieur B.
La pension alimentaire après divorce est à distinguer de la contribution alimentaire. La contribution alimentaire est la somme d’argent qu’un parent verse à l’autre parent pour l’éducation, l’entretien et l’hébergement de leur enfant commun. Il s’agit de deux obligations alimentaires bien distinctes.
Raison d'être de la pension alimentaire
Auparavant, le droit à une pension alimentaire constituait une forme d’indemnité. Cette indemnité se fondait par ailleurs, sur la responsabilité civile.
En effet, avant 2007, le divorce était étroitement lié à l’idée de faute. Si les époux divorçaient, c’était à cause de la faute de l’un des deux. De ce fait, celui qui avait causé la dissolution du mariage (et à condition qu’il soit l’époux économiquement fort) devait une pension à l’autre.
Depuis 2007, le concept de culpabilité a été totalement écarté du droit au divorce. D’ailleurs, le divorce pour faute n’existe plus. Le Législateur a cependant décidé de conserver le régime de la pension alimentaire après divorce. Non pas dans un objectif indemnitaire, mais comme un devoir de solidarité familiale. La pension alimentaire après divorce prend donc le relais du devoir de secours qui lient les époux durant le mariage.
L'article 301 de l'ancien Code civil
Dans le cas du divorce par consentement mutuel, les époux peuvent prévoir une telle pension dans leurs conventions préalables. Ils décident alors entièrement et conjointement des modalités de cette pension au sein d’un contrat.
L’article 301 de l’ancien Code civil régit plus précisément la pension alimentaire après divorce pour cause de désunion irrémédiable.
Il commence par encourager les parties à s’accorder à l’amiable sur la question d’une pension. En effet, même si les parties divorcent pour cause de désunion irrémédiable, la Loi privilégiera toujours les accords entre eux. L’article 301 précise que cet accord peut avoir lieu à tout moment. Il peut donc parfaitement avoir lieu après qu’une décision judiciaire ait été prononcée sur le sujet.
La seule limite d’un tel accord est la renonciation préventive. Avant le divorce, aucun des deux époux ne peut renoncer par convention à demander une pension (article 301, §9 de l’ancien Code civil).
Cependant, une telle convention de renonciation peut avoir lieu si l’autre époux fait une concession.
Exemple : Monsieur B concède l’attribution préférentielle de la maison commune à un prix moindre, à condition que Madame A ne réclame pas de pension alimentaire.
Si les époux ne s’accordent pas à l’amiable sur la pension, c’est le juge familial qui peut en fixer une ainsi que ses modalités. Les règles qui suivent s’appliquent donc en dehors de tout cadre amiable, mais devant le juge et à la demande du titulaire du droit à pension.
Titulaire du droit à la pension
Principe
L’article 301 de l’ancien Code civil fait appel à plusieurs reprises à la notion d’état de besoin. Mais cette notion revêt des acceptions différentes selon les paragraphes.
Le paragraphe 2 prévoit que le juge peut « accorder, à la demande de l'époux dans le besoin, une pension alimentaire à charge de l'autre époux. »
Il s’agit tout d’abord de vérifier que l’un des deux époux dispose du droit de demander une pension.
L’état de besoin vise ici le fait d’avoir une situation économique plus faible que son époux : c’est tout.
Attention donc, l’état de besoin visé par ce paragraphe ne concerne que la titularité du droit et non pas le critère permettant de le mettre en œuvre. Cela ne garantit pas qu’une pension soit effectivement octroyée au titulaire de ce droit.
Exemple n°1 : Madame A et Monsieur B sont en instance de divorce. Madame A perçoit un salaire de 3.500 euros par moi, alors que celui de Monsieur B ne dépasse pas 1.500 euros. Monsieur B se trouve dans un état de besoin par rapport à Madame A. Monsieur B est donc titulaire du droit de demander une pension à charge de Madame A.
Exemple n°2 : Madame A et Madame B sont en instance de divorce. Madame B perçoit un salaire de 3.500 euros et Madame A un salaire 3.000 euros. Malgré leur situation similaire, Madame A est dans un état de besoin au sens du 2èmeparagraphe de l’article 301 de l’ancien Code civil puisqu’elle est dans une situation économique plus faible que son épouse. Elle est donc titulaire du droit de demander une pension, mais n’est absolument pas assurée qu’elle lui soit octroyée.
Déchéance du droit de demander une pension
Il existe trois situations dans lesquelles l’époux en état de besoin ne pourra pas demander une pension après divorce :
1. L’époux ayant commis une faute grave
Si l’époux titulaire du droit de demander une pension a commis une faute grave qui a rendu impossible la poursuite de la vie commune, le juge peut refuser de la lui octroyer.
Cela suppose donc trois conditions : une faute grave, un lien de causalité entre la faute grave et la fin du mariage, ainsi que l’appréciation par le juge.
Exemples de fautes graves : l’adultère, l’alcoolisme, etc.
La charge de la preuve repose sur le débiteur de la pension (le débirentier). C’est donc à celui qui s’oppose à la fixation d’une pension de prouver la faute grave. La preuve pourra être ramenée par toute voie de droit.
Exemple de preuve : le constat d’adultère.
En plus de prouver la faute grave, il devra prouver le lien de causalité entre la faute et l’impossibilité de poursuite de la vie commune. Par exemple, si l’époux demandeur d’une pension tombe dans l’alcoolisme mais après que la vie commune ait pris fin, il n’y a pas de lien causal entre la fin de la vie commune et la faute grave.
Enfin, le juge dispose toujours d’un pouvoir d’appréciation en la matière. C’est donc le juge qui évalue la gravité de la faute et le lien de causalité. Il ne peut, cependant, pas déterminer le montant de la pension en fonction de la faute. En effet, la faute sert à vérifier le droit à pension et non pas à évaluer le montant de celle-ci.
2. Les violences conjugales
L’époux demandeur d’une pension qui a commis des faits de violence conjugale se voit automatiquement privé de ce droit. Par violence conjugale, on entend le viol, les coups et blessures, l’empoisonnement, ainsi que la tentative de ces infractions.
Dans ce cas-là, le juge ne dispose d’aucun pouvoir d’appréciation. L’époux reconnu coupable de tels faits par le juge pénal est déchu du droit à pension, de plein droit.
De la même manière, peu importe quand se produit ces faits. Ils peuvent très bien avoir lieu après la séparation, voire même après le divorce. Dans ce dernier cas, si une pension a déjà commencé à être versée, elle sera supprimée par le juge.
3. L’état de besoin créé
Le juge peut retirer le droit d’un des époux de demander une pension, s’il est prouvé que son état de besoin est la conséquence de ses choix. Toutefois, ne sont pas visés les choix qui ont été fait dans les besoins de la famille.
Exemple n°1 : Un époux qui décide durant le mariage d’arrêter son activité professionnelle pour s’occuper du foyer et de l’éducation des enfants n’est pas dans un état de besoin créé. Il ne sera donc pas déchu de son droit à demander une pension après divorce.
Exemple n°2 : Un époux qui décide de dilapider son argent au casino se trouve dans un état de besoin créé. Le juge pourra décider de refuser, pour cette raison, qu’une pension soit fixée.
Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à cette notion. Il peut également y faire appel pour fixer le montant de la pension, comme nous allons le voir.
Montant de la pension alimentaire
Minimum : l'état de besoin
L’article 301, §3 de l’ancien Code civil prévoit que la pension alimentaire doit couvrir à tout le moins l’état de besoin. Nous retrouvons donc cette notion, mais qui présente une signification tout autre que celle vue plus haut. Qu’entend-on par état de besoin au sens du §3 ?
L’état de besoin s’entend des besoins élémentaires nécessaires à la vie du demandeur. Ces besoins sont évalués en ayant égard à sa situation sociale.
Donc si un époux se trouve dans un état de besoin au sens du §2, il pourra demander une pension. Mais si sa situation économique est suffisamment stable qu’il ne se trouve pas dans un état de besoin au sens du §3, aucune pension ne lui sera accordée.
Exemple : Si le juge estime qu’il faut 1.000 euros à Madame A pour couvrir ses besoins élémentaires et qu’elle ne gagne que 800 euros par mois, il pourra considérer que Monsieur B devra lui verser une pension alimentaire de 200 euros par mois.
Si l’époux demandeur ne se trouve pas dans un état de besoin au sens du §3, seule une dégradation significative de son niveau de vie lui permettra de recevoir une pension.
La dégradation significative de la situation économique du bénéficiaire
La dégradation significative est le critère permettant de dépasser le minimum qu’est l’état de besoin. L’on doit donc comparer la situation économique du bénéficiaire. Oui, mais comparer quoi et quoi ? Comparer la situation économique avant et après mariage ? Ou bien avant et après divorce ? Il ne s’agit pas d’un détail anodin.
Exemple : Monsieur B disposait avant le mariage avec Madame A de revenu très bas. Seulement, Madame A, peut se permettre de vivre une vie de grand luxe. Tout naturellement, pendant le mariage, Monsieur B a vécu dans ce cadre de vie. S’il fallait comparer la dégradation avant/après mariage, Monsieur B n’aurait rien puisque sa situation, s’est au contraire améliorée. S’il fallait comparer la dégradation avant/après divorce, Monsieur B aura droit à une pension alimentaire.
La Cour de cassation estime à cet égard que la dégradation doit être la conséquence de choix opérés durant la vie commune. Donc la dégradation ne peut pas naître du divorce. Sauf dans des cas exceptionnels, dont notamment la durée du mariage et l’âge avancé des époux.
Maximum : le tiers des revenus
Le montant de la pension alimentaire ne peut pas dépasser le tiers des revenus du débiteur d’aliments.
Exemple : Madame A gagne 3.000 euros mensuellement. Lors de l’instance en divorce l’opposant à Monsieur B, ce dernier demande une pension alimentaire. Cette pension ne pourra pas dépasser 1.000 euros.
Etat de besoin créé
Nous avons déjà vu cette notion, mais elle dispose d’un autre rôle ici. Si le créancier de la pension se trouve dans un état de besoin créé (comme nous l’avons vu), le juge qui ne l’a pas déchu de ce droit pourra se servir de ce critère pour diminuer le montant de la pension.
Exemple récapitulatif : Madame A perçoit 800 euros par mois. Son époux, lui, gagne 3.000 euros par mois. Durant le mariage, Madame A a décidé de ne travailler plus que deux jours par semaine afin de s’adonner à ses loisirs les autres jours de la semaine. Malgré l’existence d’un état de besoin créé, le juge estime que Madame A dispose tout de même du droit de demander une pension alimentaire. Il évalue son état de besoin total à 1.000 euros par mois.
Le minimum de la pension sera alors de 200 euros (1.000 euros – 800 euros) et le maximum de 1.000 (1/3 de 3.000 euros).
Toutefois, Madame A réclame une pension d’un montant de 500 euros en raison de la dégradation significative de sa situation financière après le divorce. Pour qu’elle puisse comparer sa situation avant/après divorce, elle invoque que le mariage a duré très longtemps.
Le juge se souvient alors que l’état de besoin a été considéré comme « créé ». Donc il pourra choisir un montant dans la fourchette basse, et choisit finalement d’octroyer une pension alimentaire à Madame A d’un montant de 250 euros.
Durée de la pension alimentaire après divorce
Le principe est que la pension alimentaire ne pourra pas être due plus longtemps que la durée du mariage.
Il s’agit d’un maximum et peut s’analyser comme un terme extinctif de la pension alimentaire. Donc le juge peut très bien décider de prévoir une durée plus courte ou bien un montant dégressif avec le temps.
Par exception, la pension peut durer plus longtemps que la durée du mariage. Ce sera le cas lorsque le créancier prouve que pour des raisons indépendantes de sa volonté, il ne peut pas subvenir à ses besoins. Dans ce cas-là, le montant de la pension est automatiquement diminué au minimum.
Fin de la pension alimentaire
La pension alimentaire prend fin de plusieurs manières :
- En cas de remariage ou de cohabitation légale du crédirentier.
- En cas de cohabitation de fait qui satisfait les besoins du crédirentier (art. 301, §10 ancien Code civil).
- En cas de décès du débirentier ou du crédirentier.
Conclusion
Nous avons donc vu ce qu’était la pension alimentaire après divorce ; la titularité du droit à pension ; la fixation du montant de celle-ci ; sa durée ; et la manière dont elle prend fin.
Il me semble important d’insister sur deux distinctions à faire.
Tout d’abord, il faut impérativement distinguer l’étape d’évaluation du droit à pension et l’étape de fixation de son montant. Il faut également ne pas confondre la notion d’état de besoin du paragraphe 2 et celle du paragraphe 3. La première se rapporte à l’étape d’évaluation et la seconde à l’étape de fixation du montant.
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